AMÉDÉE PIERRE ET SA MUSIQUE : RETOUR SUR L’UN...

L’homme nait, baigne et grandit dans un contexte ou un environnement (culturel, économique, familial, historique, idéologique, politique, social…). Aussi, ce contexte, cet environnement, impacte-t-il sa vie.
Pour mieux connaître et comprendre Amédée Pierre et sa musique, il importe de focaliser notre attention sur des faits, des situations ou des événements qui ont contribué à façonner l’homme, à marquer ses activités artistiques et son art musical.

Commençons par sa biographie.
A. BIOGRAPHIE

1. Amédée Pierre : de sa naissance et de sa filiation

Amédée Pierre ou le Dopé (1) national connu, dans les registres de l’état civil, sous le nom de Nahounou Digbeu, est officiellement né le mardi 30 mars 1937 (2) à Pata-Idié, dans la subdivision de Tabou.
Son père Wassa Nahounou Kipré, originaire de Guétéguhé (Sous-préfecture de Daloa), était au début des années 1920 préposé des Douanes à Tabou.
Sa mère Doudou Séry Bhitha dite Dogoré était, quant à elle, du village de Gboguhé (toujours dans la Sous-péfecture de Daloa).

2. Des pseudonymes de Nahounou Digbeu (3)

En 1949, il se fit inscrire à l’Ecole Saint Jean Bosco de Treichville.

2.1. L’histoire de son prénom ‘’Pierre’’
A l’école primaire saint Jean Bosco, ‘’le jeune Nahouhou Digbeu était le seul à ne pas avoir de prénom chrétien ‘’. Aussi, ses camarades d’école avaient constaté que Digbeu, depuis le décès de sa mère, se retrouvait souvent à des heures insolites à prier dans l’église. Ceux-ci, pour le taquiner, le surnommèrent ‘’ Pierre’’ en souvenir de Saint Pierre, le Gardien des clefs des portes du paradis. Ce prénom circonstanciel lui est définitivement resté.

2.2. L’histoire de son prénom ‘’ Amédée’’
Comme beaucoup d’enfants de famille modeste, ‘’il n’était pas dans les habitudes de Nahounou Digbeu de fêter son anniversaire de naissance. Après avoir été invité par un de ses camarades à un anniversaire’’, il mit un point d’honneur à rendre à ce dernier la monnaie de sa pièce. ‘’Ainsi le 30 mars, jour de son anniversaire de naissance, il prit soin de voir, sur le calendrier chrétien, le nom du saint qui était fêté. Il découvrit que c’était Saint Amédée. Alors, [clama-t-il], j’aurai pour prénom Amédée. Nahounou Digbeu avait enfin un prénom chrétien. On l’appellera, désormais, Nahounou Digbeu Amédée. A ce dernier prénom français, il adjoindra celui de Pierre que lui ont donné, par raillerie, ses camarades d’école. Plus tard, il décida de ne conserver que ces deux prénoms, pour une question de commodité artistique ’’.

3. Les tribulations d’Amédée Pierre
Amédée Pierre qui suit son père dans ses pérégrinations, commence ses études primaires à Tabou en 1946, puis les poursuit, respectivement au gré des mutations de son père, en 1947 à Adiaké.

En 1949, Wassa Nahounou Kipré, le père d’Amédée Pierre, est muté à Abidjan.
De 1949 à 1952, Amédée Pierre, inscrit à l’Ecole Primaire Catholique Saint Jean Bosco, située dans l’enceinte de l’Eglise Notre Dame de Treichville, suit des cours de catéchèse sur la paroisse avec le Révérend Cousso, un Français.
En 1952, Amédée Pierre perd sa mère. Il est inconsolable. Le Révérend Père Cousso, épris de sympathie pour lui, l’invite à prier et à chanter davantage. Chanter pour se conformer à l’idée de Saint Augustin selon lequel ‘’qui bien chante, prie deux fois’’ (4) ainsi qu’à celle de Pablo Casals qui affirme que ‘’la musique donne la paix à ceux qui sont sans repos et console ceux qui pleurent’’ (5). Amédée Pierre, suit les conseils du Révérend Cousso.
Il intègre alors la chorale de l’Eglise Notre Dame de Treichville et va prier assidûment à l’autel de cette église.
En juin 1952, Amédée Pierre passe avec succès le Certificat d’Études Primaires Elémentaires et le concours d’entrée en 6ème. Il est affecté au Collège d’Orientation du Plateau. Dans ce collège, il rencontre Digbeu Ouraga Christophe, un camarade d’école passionné de musique comme lui. Il se lie d’amitié avec ce dernier.
En 1956, avec Digbeu Ouraga Christophe, Amédée Pierre forme un duo. Ces deux mélomanes se constituent un répertoire largement occupé par des chansons françaises, notamment celles de Patrice et Mario (6). Ce duo qui était fort apprécié des mélomanes abidjanais, était souvent invité à animer des kermesses, des surprises parties et des mariages. A ces occasions ils avaient, déjà, retenu l’attention de quelques personnalités notamment de Philippe Grégoire Yacé, de Bernard Zadi Zaourou, et de Jean Djéni. Ce dernier, propriétaire à l’époque du bar dancing ‘’la Savane’’ de Dimbokro, les y invita à se produire.

Soulignons que Wassa Nahounou, père d’Amédée Pierre, n’appréciait pas le fait que son fils qu’il voulait médecin, devienne musicien. Ce métier-ci était, à ses yeux, une activité de délinquants.
En 1957, Digbeu Ouraga Christophe part en France en cours d’année. A la fin de la même année, Amédée Pierre lui, obtient le Brevet d’Etudes du Premier Cycle. Pour contenter son père, qui s’opposait de plus en plus avec véhémence à ses activités musicales, il se présente et réussit au concours d’entrée à l’Ecole des Infirmiers de Bobo Dioulasso (capitale de la Haute Volta, devenue aujourd’hui Burkina Faso).
En 1958, Amédée achève ses études d’infirmier. De retour en Côte d’Ivoire, il est affecté au dispensaire des Grandes endémies de Dimbokro. Quelques mois plus tard, il participe à une grève lancée par le Syndicat du Corps Médical de Côte d’Ivoire. Il est radié de la Fonction publique pour y avoir participé.
Après quatre mois de galère à Dimbokro, sans salaire, Amédée Pierre chasse et vend des agoutis pour se rendre à Abidjan.

4. Les débuts de la carrière musicale professionnelle d’Amédée Pierre

En 1959, une fois à Abidjan, Amédée Pierre reprend contre le gré de son père, ses activités musicales dans quelques dancings d’Abidjan, principalement au siège de l’Union des Fonctionnaires de Côte d’Ivoire (UFOCI), situé à l’époque à l’Avenue 8 rue 8, non loin du Commissariat du 2ème arrondissement.
Grâce à Charles Donwahi, Wassa Nahounou arrête cette pression qui visait à faire renoncer, définitivement, les activités musicales d’Amédée Pierre.
Toujours en 1959, Gbétibo Norbert, un admirateur, offre une guitare à Amédée.
L’acquisition de cette guitare va galvaniser, davantage, ce dernier et lui permettre de réaliser un de ses rêves. Il met donc sur pied un orchestre qu’il appella « Ivoiro Star ». En Côte d’Ivoire, à cette époque l’environnement et le répertoire étaient largement dominés par des musiques venues d’ailleurs.

[Suite de l’article téléchargeable ci-dessous]

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